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samedi 7 juin 2014

Exode 1940. Velles terre d'accueil Chapitre 16

La création en 2013 du spectacle historique nocturne : « Mademoiselle de La Motte- l'Insoumise », par la troupe Festi'Velles, dont le scénario se déroule en 1589, au sein d'une illustre famille aristocratique du village, les « de Boisé de Courcenay », a suscité un intérêt pour la connaissance et la promotion du patrimoine historique et culturel de Velles.

L'ouverture de l'« Atelier Histoire » répond à cette demande. L'objectif est d'animer quotidiennement ce blog par la publication d'articles dont la lecture permet la découverte d'un passé enfoui du village.

Nous publions sous forme de feuilleton historique, le chapitre 16 d'un document rare et exceptionnel, dactylographié par le Directeur de l'école, Monsieur Défradat en 1947.

Il porte témoignage de la générosité des habitants de Velles, pendant l'exode de 1940.

Conscient de son rôle de « passeur d'histoire », il écrit ceci :

« Dans trente ans, le récit en serait déformé, dans cinquante, à peu près oublié. Il est temps d'écrire pour les futurs habitants de Velles ce que fut, à Velles, cet exode. Le témoin qui essaie d'en faire le récit se porte garant de sa vérité »

« j'étais là, telle chose advint »

Velles décembre 1947
M. Défradat

Dans ce chapitre 16, intitulé "Ouvre-moi ta porte, pour l'Amour de Dieu", qui tient lieu de conclusion, Monsieur Défradat évoque la dimension humaine des relations qui se sont tissées lors de cette période troublée de notre Histoire :
"Tout le monde a lu, dans la presse parisienne, sous des plumes qui font autorité, les remerciements qu'adressèrent l'exode terminé, les ex-réfugiés à ceux qui les avaient recueillis.

Ce n'étaient pas seulement banales formules de politesse, on sentait une chaleur de sentiment inaccoutumée dans ces phrases éphémères de journaux, écrites d'ordinaire à la hâte et oubliées aussitôt lues.

Pour une fois, les journalistes de la capitale avaient mis l'éteignoir aux sous-entendus ironiques qu'ils ont coutume de décocher à la rusticité un peu parcimonieuse des cousins de province.

Il avait bien fallu se rendre à l'évidence : les réserves des campagnes françaises avaient, ni plus ni moins, sauvé la vie à ces foules d'émigrants qui arrivaient sans crier gare ! La saison propice et le temps idéal avaient fait le reste.

La nouveauté du spectacle et une sorte d'intuition avaient fait comprendre aux populations non envahies qu'il s'agissait d'un évènement grave et qui pourrait être lourd de conséquences.

Ce fut d'abord l'arrivée des "déracinés", personnes de la famille habitant généralement Paris ou la banlieue qui, sachant où elles allaient, arrivèrent les premières et sonnèrent l'alarme. Beaucoup amenaient des parents, des amis, des voisins qui n'avaient pas de lieu de refuge dans cette direction.

A les entendre conter l'encombrement des routes, la cohue des gares, on comprit vite qu'on allait avoir à faire face à une situation inédite. Bientôt, en effet, d'autres personnes, inconnues celles-là, vinrent frapper à la porte. On leur fit place, le cercle de la famille s'agrandit jusqu'à déborder hors des limites de l'habitation.

Les fermes qui n'étaient pas proches des routes fréquentées n'eurent d'abord guère de passagers. Ceux qui vinrent s'y établir, soit par lassitude, soit par hasard, y goutèrent le calme enivrant des jours d'été en pleine campagne. Cela contrastait terriblement avec les bagarres où ils avaient du se débattre sur les grands chemins de l'exil. Séduits, ils y demeurèrent.

Mais chaque jour leur nombre grossissait, la place réservée à chacun se rétrécissait. On faisait bon accueil aux nouveaux arrivants, compagnons de misère. Et peu à peu, on entrait dans l'intimité de la famille de l'hôte.

A chaque instant on avait besoin d'un oeuf, d'une tasse de lait, d'un ustensile de cuisine, d'une botte de paille, d'une couverture, d'un renseignement. En revanche, le réfugié s'offrait pour un service ; lui, qui avait vu, commentait les nouvelles avec autorité, et le paysan taciturne s'ébahissait devant la faconde citadine.

Mais pour nourrir tant de bouches, il fallait sérieusement entamer les provisions. Le laitage et les oeufs, abondants en cette saison, en firent les frais ; les jambons furent entamés ; ici on égorgea un mouton, là on sacrifia un porc. Un désir commun de bonne entente créa vite une atmosphère de sympathie.

Sept ans après l'exode, nombre de familles de réfugiés de Velles continuent d'écrire chaque année à ceux qui les ont recueillis ; quelques -uns, à l'occasion, reviennent même faire visite à leurs logeurs et beaucoup de Vellois évoquent avec émotion le souvenir de ceux qu'ils ont un moment hébergés.

Il en fut différemment le long des voies où se pressait la cohue. Là, au contraire, on ne logeait que les passagers qui arrivaient le soir, se reposaient la nuit et repartaient le lendemain matin. Leur court séjour autant que le nombre élevé excluait toute idée d'intimité entre passants et logeurs.

A la ferme des Minerais, à partir du 15 juin, on logea d'abord 60 personnes, puis 200 ; ensuite on ne compta plus exactement, mais il y avait le 18 au soir plus de 300 civils à loger lorsqu'un nombre égal de soldats y vint cantonner.

Greniers et granges, fenils et meubles, toutes étables sans distinction, la bouverie peuplée de six rangées de corps allongés, tout était plein à craquer.

On ne pouvait songer à aider au ravitaillement d'une pareille foule ; pourtant il n'y eut jamais défaut de geste charitable. On n'avait qu'un peu de pain à donner, car on cuisait dans le four familial, mais il ne se présentait point de soldat français, moderne suppliant, qui n'emportât la tartine et ne puisât un quart d'une eau toujours fraîche qu'on renouvelait sans cesse et qui réconforta bien des gosiers altérés.

Cette charité spontanée, ces offrandes anonymes qui se sont, à coup sûr, répétées des milliers de fois sur des centaines de routes, voilà bien qui rachète la fureur stupide des hommes et réconcilie un peu avec notre décevante humanité.

D'un siècle à l'autre.....

La Troupe « Festi'Velles » réinvestira le théâtre de verdure des prairies de Velles, les 4-5-6-7 juillet prochains, pour présenter la nouvelle édition du spectacle historique nocturne : « Mademoiselle de La Motte-l'Insoumise », dans le cadre du « Festi'Lumière de Velles 2014 »,
(Tarifs-Billetterie-Réservations, voir la rubrique liens de ce blog).




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