Bonne lecture.
Velles
Terre Saint Simonienne
La découverte,
tout à fait fortuite, de la présence d'une colonie St Simonienne à
Velles dans les années 1830, m'a conduit à découvrir ce
personnage : Claude Henri de Rouvroy, Comte de St Simon
(1760-1825).
Il est à
l'origine d'un courant de pensée qui marquera de son empreinte tout
le 19ème siècle. Aujourd'hui encore, de nombreux intellectuels et
chercheurs reviennent aux sources de son œuvre, la considérant
comme la matrice des deux courants postérieurs, le Libéralisme et
le Socialisme.
Né dans une
famille noble sous l'ancien régime, il participe aux cotés de La
Fayette, à l'indépendance des Etats Unis d'Amérique. Il garde de
cette expérience, un intérêt pour l'économie et l'esprit
d'entreprise. Adepte de l'Esprit des Lumières, il fait le choix de
la Révolution en refusant d'émigrer. Il participe à la rédaction
des cahiers de doléances de sa région, la Picardie.
Au tournant du
siècle, il décide de se consacrer à la philosophie avec l'ambition
de bâtir un système de pensée susceptible de fonder une nouvelle
société. Celle ci doit être plus juste, plus prospère, plus
sociale. Il veut apporter le bonheur à l'humanité par les progrès
de la science et de l'industrie.
Il a foi en
l'homme et en la technique. Il aspire à une société nouvelle,
fraternelle et pacifiée par les sciences et les technologies.
« La
philosophie du siècle dernier a été révolutionnaire, celle du
19ème siècle doit être organisatrice. ». Il critique une
société coupée en deux, les frelons (la classe oisive), les
abeilles (la classe industrielle). Il imagine une société
industrielle, ordonnée selon le mérite de chacun et non plus sur
les privilèges héréditaires d'une minorité.
Ce courant de
pensée reçoit un accueil favorable dans l'élite intellectuelle
issue de la nouvelle bourgeoisie, particulièrement au sein de
l'école Polytechnique.
Le 19 mai 1825,
c'est un groupe parsemé de disciples qui accompagne sa dépouille au
Père Lachaise. Nous y trouvons, Augustin Thierry, Auguste Comte,
Olinde Rodriguez, Bazard et Barthélémy Prosper Enfantin qui
deviendra le chef incontesté du mouvement St Simonien.
Les idées de
Saint Simon, portées par ces personnalités, trouvent un rayonnement
national et international et bousculent le régime déclinant de la
Restauration (Charles X). Le mouvement contribue à la révolution de
1830 qui verra l'accession de Louis-Philippe.
Les thèses
développées sont l'amélioration du sort moral, physique et
intellectuel de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ;
le développement des voies de communication ; la généralisation
du crédit ; l'abolition des privilèges de la naissance ;
l'égalité entre les sexes ; la réunion des peuples en une
famille universelle ; l'accès à tous à l'éducation ; la
promotion d'un monde pacifié.
Devant un tel
programme, Louis Philippe prend peur et décide d'interdire le
mouvement, au prétexte de trouble à l'ordre public. Poursuivi par
la justice, son leader Prosper Enfantin sera emprisonné une année.
A l'issue en 1833, les équipes dirigeantes se dispersent et
Enfantin, accompagné de nombreux ingénieurs, rejoint l'Egypte avec
le projet de création du canal de Suez. Conçu à l'origine par les
St-Simoniens, ce projet verra le jour, 30ans plus tard, sous la
direction de Ferdinand de Lesseps.
C'est dans le
cadre de cet essaimage, qu'en 1833, le Père Bouffard, dirigeant St
Simonien et madame Veuve Petit, fortunée et sympathisante du
mouvement, achètent pour 45.000 francs les terres de Vauzelles à
Velles.
La propriété
compte 1077 hectares, constituée en grande partie de brandes et de
friches. Leur ambition est de mettre en pratique le « Crédo St
Simonien » : utiliser le progrès scientifique et
technique pour développer l'agriculture et améliorer le sort de la
population locale particulièrement misérable.
Le père
Bouffard décède la même année. Il est enterré dans la cour du
château de Vauzelles. Madame Petit rachète ses parts et devient
l'unique propriétaire des terres de Vauzelles.
Son fils
Alexis(1805-1871), également St Simonien, a fait partie de
l'expédition d'Egypte. Il rentre en France en 1836 et décide, avec
sa mère, de mener à Vauzelles l'expérience d'une ferme
communautaire industrielle. Le projet est financé par madame Petit
et voit le développement d'un énorme chantier qui mobilise tous les
corps de métiers et impliquent la majorité de la population du
village. Nous y voyons des architectes, des maçons,des charpentiers,
des serruriers,des menuisiers, des fermiers, des meuniers.S'élèvent
de nouveaux bâtiments de ferme, des hangars, des silos à
betteraves.
La mise en
valeur des terres est engagée par le défrichage, le drainage, la
construction de fours à chaux, la plantation de pins, la vigne,le
fumier, le noir animal, les cendres lavées, la poudre d'os, le sang
coagulé......
En 1840, les
résultats ne sont pas à la hauteur et génère une grosse
déception. L'échec est probablement dû à la stérilité des
terres mais aussi au manque de savoir faire d'Alexis. Celui ci épouse
en 1841 Rosalie Zoë Dumont, ils auront trois enfants, Céline née
en 1843, Paul né en 1845 et Auguste né en 1846.
En 1842, Madame
Petit est contrainte de vendre sa propriété de Meaux et en 1845,
ruinée, elle quitte Vauzelles pour Paris où elle y décède en
1863.
La ferme
industrielle redevient une simple exploitation agricole. Néanmoins
cette expérience a permis de faire évoluer localement les
techniques agricoles qui seront largement reprises et amplifiées par
l'industriel Charles Balsan lorsqu'il achètera vingt ans plus tard,
les terres du Plessis.
A l'occasion de
la Révolution de 1848, le « Citoyen » Alexis Petit est
nommé Maire de Velles. Il ne restera en fonction que quatre mois. Il
fut, semble-t-il, victime d'une cabale montée par le clergé et
l'aristocratie locale.Il est probable que les idées St-Simoniennes,
développées à Vauzelles, inquiétaient les notables locaux.
En 1855, Alexis
désabusé, met en vente sa propriété, sans succès...Elle compte à
l'époque, neuf domaines sur les communes de Velles, Bouesse, Mosnay
et Arthon : Vauzelles, Bellevue, La Gabette, Lizatte,
Loubatière, Le Moulin,Les Pichots, Talbots, La touche.
En 1856, Alexis
Petit s'installe à Châteauroux. Paul et Auguste rentrent au lycée
impérial.
Il meurt à
Vauzelles le 24 février 1871, totalement ruiné. Vauzelles avait été
léguée antérieurement à son fils Paul. Ce dernier, vingt ans plus
tard, sera un notable reconnu. Conseiller Municipal et Conseiller
Général, il restera en opposition avec les maires Jacques et Robert
Balsan, particulièrement sur le dossier de l'école publique de
filles.
Pierre Alassoeur
Atelier Histoire de Velles
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