Découvrez le superbe témoignage d'Alexis Petit sur les conditions de vie lors de la retraite de Ménilmontant.
C'est en avril 1832 que Prosper Enfantin, dit le "Père", leader incontesté des Saint-Simoniens, décide de quitter le 6 de la Rue de Monsigny pour une retraite avec 40 de ses "Fils" dans une propriété de famille située au 145 Rue de Ménilmontant.
Il souhaite s'y entrainer pendant 6 mois, prendre des forces avant de partir agir dans le monde....
Ils doivent dit Enfantin, sortir de cette retraite, "imbrisables".
Alexis Petit était présent à Ménilmontant. L'Atelier Histoire de Velles s'intéresse particulièrement à ce personnage, puisque comme déjà évoqué sur ce blog, il sera à l'origine sur notre commune, d'une expérience de ferme communautaire industrielle.
Cette présence Saint-Simonienne dans notre village dès 1833 et jusqu'au début du vingtième siècle, fait l'objet de travaux au sein de notre Atelier.
C'est en travaillant sur le fonds documentaire, disponible aux Archives Départementales de l'Indre (ADI) que nous avons pris connaissance de deux courriers écrits par Alexis Petit à sa mère en 1832 et décrivant les conditions de vie à Ménilmontant. Elles sont particulièrement intéressantes. Sur l'une d'entre elle, elle a été complétée par un autre Saint-Simonien présent à Ménilmontant, ils étaient 40 autour d'Enfantin. Il se prénomme Auguste. Il reste à identifier précisément.
Voici le contenu de ces lettres :
"Ma chère Maman,
Notre temps est toujours tellement employé que j'en trouve difficilement pour t'écrire, puis tu as constamment de mes nouvelles par les voyageurs.
On commence à se reconnaitre un peu ici, mais si grand hâte de ne pas salir mes pieds, quelque part que je les mette, que je ne puis rester un moment les bras croisés. Il sera impossible de mettre les choses en ordre tant que la maison restera encombrée de toutes sortes d'immondices.
Pourtant, il me tarde de faire oeuvre d'intelligence , car il n'y a jusqu'ici, eu de place que pour la matière.
Je crois que la doctrine de Ménilmontant sera pour mon corps ce que la doctrine de la rue de Monsigny a été pour mon esprit.
En général, nous avions tous besoin de développer nos forces physiques. Nous apprenons maintenant à apprécier les sueurs du peuple et à savoir à quel prix, il mange du pain. Il y a beaucoup de bourgeois qui auraient besoin d'en faire autant pour les prolétaires, comme pour leur propre développement.
En sortant d'ici, nous saurons estimer le travail matériel comme il doit l'être. Combiner les travaux de cet ordre avec ceux de l'ordre intellectuel en bonne juste proportion, il y a un équilibre à établir entre ces fonctions.
Adieu, je t'embrasse affectueusement
Alexis
Je voudrais savoir si tu as quelque chose de certain sur la destinée de Monsigny.
Ma Bonne Madame Petit,
Alexis veut bien me permettre de vous dire un mot dans sa lettre, j'en profite avec plaisir n'en doutez pas. Avec d'autant plus de plaisir que je vous dois une lettre depuis 1 mois1/2. Que vous dirai-je? je ne sais.
Depuis que je ne vousai vu, j'ai tant travaillé que je n'ai pas eu le loisir de penser, même une seconde. Vous savez que je m'étais mis dans un pitoyable état en luttant. J'en suis remis grâce à dieu, mais par malheur, je me suis depuis cassé les reins en déchargeant un panier chargé de pierres. Je pense que ce sera dissipé aussi vite que le reste. Et puisque j'en suis à vous faire mes doléances sur mes malheureuses aventures, je vous dirai aussi que je me suis donné un torticoli épouvantable avec un épouvantable mal de gorge à force de chanter et de crier depuis le matin jusqu'au soir, ce qui ne m'empêchera pas de recommencer demain avec le coq. Ce qui veut dire que je ne suis pas si paresseux qu'à Paris.
Alexis travaille aussi comme un beau diable, cependant vous devez être parfaitement tranquille sur son compte. Car vous connaissez la douceur de son tempéramment . Voila beaucoup de détails qui ne vous amuseront peut être pas beaucoup. S'il en est ainsi, vous me le diriez. Afin qu'une autre fois je puisse vous parler d'autre chose. Sur le moment je suis obligé d'en rester là. Devinez pourquoi?
Adieu, je vous embrasse
Auguste
Ma Chère Maman,
Je t'embrasse à la hâte pour te faire part de ma bonne santé et de ma bonne amitié.
Nous faisons de l'industrie à force et je sortirai d'ici, mauvais maçon, mauvais menuisier, jardinier pitoyable, chambrier passable ou bucheron condamné.
Adieu Mille amitiés
Alexis
Ce blog est le vecteur de communication de l' Atelier Histoire de Velles, les articles publiés, près de 500 à ce jour, permettent de partager le patrimoine historique du village.
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